Jeudi 10 août 1944
Après une matinée ennuyeuse, nous apprenons que le départ est fixé. Toutes les dispositions sont prises Ca y est, la porte avant est fermée, nous ne touchons plus à notre terre d’Algérie. Le bateau bouge, il fait marche arrière ; nous faisons face à la sortie. A la jumelle, j’aperçois l’église St Louis : il est 14h 15. Nous partons vers l’inconnu. Je ferme les yeux et je me concentre : je vous vois tous qui m’êtes chers. Au-revoir ! A ce moment que faisais-tu ? Peut-être pensais-tu à autre chose et je n’ai pas le droit de t’en vouloir. Pour moi, c’était un moment d’émotion, car je n’ai pas pu m’empécher de ressentir un pincement au coeur à l’heure de quitter l’Algérie. Toi peut-être, tu riais. Tant mieux, tu n’auras pas eu la peine de la séparation. Plus tard, tu goûteras quand même à la joie du retour. Maintenant, chaque seconde m’éloigne de toi, mais mon coeur et mon esprit ne vous quitteront pas.
Ce jour-là, je suis resté tard dehors, malgré le vent froid pour essayer de distinguer les lumières de Mostaganem. le bateau va trop lentement, je me suis couché bredouille.Vendredi 11 août 1944
3ème réveil en mer. Elle est calme, et jusqu’à présent, jen’ai pas ressenti les 1ères atteintes du mal de mer. A 9 h, nous sommes au large de Lapasset, seulement ! 10h, le capitaine Brayda m’appelle pour déplier les cartes. J’ai passé 1/2 h de surprise intense. Je n’avais pas imaginé à quel point l’opération avait pu être préparée dans les détails. ce ne sont que des cartes à diverses échelles, mais d’une précision remarquable. Cela va jusqu’au plan directeur au 1/1000e de la plage de débarquement sur lequel sont notés les champs de mine, les barrages anti-chars, les batteries ennemies, les dêpots, les blockauss, tout ce qui peut nous intéresser. ce qui me frappe le plus, ce sont les croquis perspectifs de la côte vue de la mer et les photos prises par avion (certaines datent de fin juillet) Quelle organisation ! Et tout cela à moins d’un mois. Il n’y a donc pas de raison que quelque chose cloche. Je me sens tout chose : je connais dans leur idée générale les plans du débarquement plusieurs jours avant qu’il se réalise. Cela m’aidera à me mettre dans la peau d’un combattant.