Il est cinq heures du matin, Oran, se réveille, (couvre-feu oblige) mon frère me dépose à l’aéroport de la Sénia. Quatre jours de bousculade, d’attente pour être appelé et être inscrit sur la liste des passagers, en partance pour la France. Un sandwich quotidien en guise de repas nous donne l’espoir de « partir et revivre».
Dormir à-même le sol ne me dérange pas. Parmi les rires des personnes apeurées, il y a des pleurs qui engendrent la crispation, l’appréhension, l’hystérie pour ne pas dire la folie, la démence. Le 3 juillet au matin, des bruits courent d’une attaque sur l’aérodrome, et une descente des barbouzes. Nous attendons, nous veillons à ne pas nous laisser surprendre…….. tous les coins et recoins du hall sont visités au cas où……
Ne voulant pas m’attirer la colère des «vacanciers », dans la cohue, tout en faisant la ‘queue’ comme les autres, j’esquisse un clin d’œil et un sourire à l’hôtesse d’accueil, Rosette Ramos, elle, qui m’a vu naître, rue du Marabout, puis un bisou en guise d’adieu, au moment de l’embarquement. Elle a compris : qu’il me faut partir.
Quatre juillet, quelle aubaine, je suis inscrit sur la liste des passagers, avec Alexandre Picon et son cousin René Moya eux aussi du "Barrio Alto". Nous pénétrons dans la Caravelle, le cœur serré: mais quelle est notre destination ?Qui la connaît ?. Nous l’apprenons à bord, c’est Toulouse.
Il est 22 heures, nous décollons, nous quittons la terre ferme, je suis soulagé, deux larmes coulent le long de mes joues.
Le whisky que nous sirotons après le décollage nous semble d’une agréable fraîcheur remplie d’une brise de liberté, de quiétude et pouvoir se dire : et maintenant je repars à zéro, non, rien de rien je ne regrette rien, je dis adieu à tout …. »
Arrivés à Toulouse, direction la gare où un stand dressé par la Croix Rouge nous propose un sandwich fromage et une boisson. Ma préoccupation première, rallier Marseille, il me faut partir, et ‘prendre’ la voiture. On raconte que, certains ‘colis’ sont jetés à la mer, par les grutiers (consigne donnée par les syndicats et hommes politiques)..
Je récupère mon bien sans problème, direction Althen-des-Paluds près d’Avignon pour y déposer Alexandre et son cousin.
J’envoie aussitôt un télégramme à maman pour la rassurer. Elle se trouve chez mon frère Jean, militaire, cantonné en Alsace.
Le festival d’Avignon bat son plein, dans les allées menant au palais des Papes, je rencontre Jean Paya le boulanger de l’avenue Kléber, qui me raconte "sa rentrée’" et son retour. Il demande à partir en Espagne, mais passer la frontière lui pose problème