Souvenirs de Sidi-bel-Abbes
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Les habitants européens des villages voisins trouvent refuge en ville. Les villages de : Aïn  Tellout, Baudens, Bedeau, Bédrabine, Bonnier, Boutin, Bossuet, Boukhanéfis, Boulet, Chanzy, Crampel, Deligny, Descartes, Détrie,  Lamoricière, Lamtar, Le Télagh, Les Trembles,  Mellinet, Mercier-Lacombe,  Oued Imbert , Palissy, Parmentier, Prudon, Rochambeau, Slissen,   Tabia, Taffaman, Tassin, Tessala, Tirman, , Ténira, Zégla, sont désertés par les populations européennes. Elles ont peur, elles se réfugient en ville  et la proximité de la Légion les rassure..

Maman a rejoint la métropole, elle est partie en Alsace rejoindre ma belle-sœur, mes neveux et mon frère.

Je n’ai plus rien à faire,  à entreprendre, j’attends…. Le 24 mai, je prends la décision de partir à Oran, chez mon frère aîné, ma belle sœur ayant rejoint la France avec les deux enfants une semaine plus tôt.

Mes amis Emile Huillet, Néné Galvez sont  avertis de ma décision. Nous avons fait tellement de ‘conneries’ ensemble qu’il est temps de penser à autre chose, de garder un espoir de tranquillité, de lucidité et peut-être d’avenir…

La seule préoccupation, le seul désir que je maintenais, était, sauver mon bien : ‘ma’ voiture,  achetée avec la prime d’installation, une Dyna-Panhard, moteur Tigre couleur rouge cuivre, que pour rien au monde je laisserais sur place.

René Rueda : souvenirs de mon intégration 2/10

Paris-Match titre ‘Oran à feu et à sang »

Un épais nuage noir survole la ville, entrepôts et cuves de gasoil sont en feu. Nous échappons à plusieurs reprises aux bouclages tendus par les barbouzes. A Oran, tous les jeunes en âge d’être incorporés, pris lors de ces bouclages sont immédiatement ‘embarqués’ et envoyés en métropole  afin d’être soustraits aux tentations subversives, sans avertir les familles, décision prise par le ministre Mesmer.

Le journal l’Aurore, le 25 Mai, publie un compte rendu du conseil des ministres: sur les rapatriés le ministre Robert Boulin ose dire :

 « Ce ne sont pas des rapatriés, ce sont des vacanciers. »

L’exode, commencé depuis plusieurs semaines, continue, à la grande échelle.  Tout se précise, la ‘fuite’ vers la métropole bat son plein.

 Mon frère connaissait le directeur de la compagnie maritime Leborgne, mais il fallait être sur le quai et aux bureaux , avoir une chance pour que la voiture soit embarquée. Dix  jours d’attente et de tractations pour y réussir, le prix du transport payé: il me reste 700 NF en poche pour partir. Quel soulagement, le 30 juin, je  vois, mon ‘bien’, descendre et disparaître dans la cale du cargo. Le récépissé en poche pour la reprendre à Marseille,  je peux penser à moi, direction l’aéroport, pour tout bagage un sac à dos et quelques effets personnels.... L’espoir d’une vie meilleure me tend les bras.