Roger Picon
Histoire d'Antoine Martinez, 16
obscur "poilu" mort pour la France
Sidi-bel-Abbès, 26 juillet 1892
Wischaëte (Belgique), 6 novembre 1914
Je possède une lettre extraordinaire que lui avait adressée son parrain à l’aube de l’année 1904. Cet homme s’appelait Joseph ou plus certainement José UBEDA mais on l’appelait « pépé ». C’était un ami de la famille qui était violoniste et jouait au sein d’un orchestre symphonique. J’aurais bien voulu le connaître et avoir avec lui des discussions qui n’auraient pas manqué ni de hauteur ni de profondeur car à travers cette lettre je m’aperçois que nous aurions partagé largement le même point de vue sur beaucoup d’aspects de la pensée humaine.
Alger le 1er Janvier 1904 - Mon cher petit Antoine -Nous voici en 1904. Année soit disante d’avancement, de clairvoyance, de lumière de progrès, je crois quelle sera aussi avancée que sa précédente et aussi clairvoyante et progressive sera sa future, car l’humanité ne veux plus marcher de l’avant, l’on dirait que cette masse qui était mue par une même levure, par un même ressort et qui était poussée par une énergie foudroyante est arrivée au but, non pas au but désiré mais au but où les forces s’affaiblissent en présence d’un obstacle infranchissable, obstacle que tu ne connais pas et que tout le monde connaît et personne n’ose lever la voix en disant le voila piétinons le; eh bien moi je te le signale : c’est l’argent, c’est cette maudite monnaie que tous le monde est à sa recherche, que nous tous nous comettons les plus grandes bassesses pour nous l’accaparer.