J’ai droit à un dernier clin d’œil complice sous sa casquette réajustée ; ses traits sont marqués, sa peau tannée par le soleil est piquetée d’une barbe naissante, sa main calleuse s’en va flatter la croupe devant lui ; à petits coups répétés il fait claquer sa langue contre son palais en signe d’encouragement ; ll pense déjà au moment où il lui faudra garer le chariot, dételer la bête, la débarrasser de son harnachement, l’envoyer à l’abreuvoir, aménager sa place dans l’écurie, garnir sa mangeoire, avant de l’étriller à l’aide de paille fraîche.
La ferme est enfin là ; un grand espace s’étend devant les bâtiments, ceinturé par de larges murs faits d’amas de pierres de tuf extraites des champs alentour au fil des labours, empilées là, tout autour, témoins de l’harassant labeur des hommes. J’ai juste le temps de voir les grandes meules de paille recouvertes de boue séchée, de reconnaître le corps de ferme vétuste abritant les habitations des familles, le hangar des matériels, l’écurie et son abreuvoir ; deux gamins de mon âge viennent de surgir de derrière le muret fermant la cour de leur logement ; ils déboulent vers nous, de toute la vitesse de leurs petites jambes, le plus âgé a déjà pris appui sur le marche pied, il arbore une face hilare sous sa chéchia rouge,