Les adultes s’allongeaient sur le lit dans la chambre aux volets clos, où flottaient les odeurs de ‘’fly-tox’’, et se laissaient engourdir par le sommeil bref mais profond de la mi-journée. Nous les enfants, nous promettions le silence et la sagesse, et nous jurions de rester calmes sous la couverture que ma tante posait sur le carrelage de la cuisine, à la fraîcheur. Mais dès qu’un ronflement significatif nous donnait la certitude de l’endormissement des adultes, à pas de loup, et armés de manches à balai, nous partions à l’attaque de la treille, dont la seule défense était sa hauteur inaccessible à nos petites tailles, et l’armée d’abeilles qui s’abreuvait sous ses ombrages. Les manches à balai ne suffisant pas, nous nous transportions en silence sous les plus grosses grappes, un des nombreux petits bancs en bois que notre grand-père nous fabriquait. Et alors, nous pouvions saccager à loisir, avec toute l’inconscience de notre âge, la treille prospère, qui laissait tout au plus tomber quelques grains écrasés, mais dont les grappes solidement ancrées aux branches chenues, ne cédaient pas.