Michèle Garcia-Kilian : mon enfance au soleil, Le patio de mon Grand-Père
Souvenirs de Sidi-bel-Abbes
Mes cousines, mes sœurs, souvenez-vous… Souvenez-vous de nos ébats, de nos jeux, de nos cris, de nos rires, de nos larmes, de nos peurs, de nos joies, de notre complicité, de notre bonheur. Rappelez-vous combien nous nous sommes aimés dans cette maison de notre enfance. Les murs que notre grand-père édifia renferment encore dans leurs pierres l’amour qui s’irradia dans nos petits cœurs d’enfants et que le temps et la distance n’ont jamais altéré.
Un portail en fer forgé s’ouvrait sur le vaste patio, ombragé par une treille aux grappes blondes et juteuses, dont les grains serrés et prêts à éclater, faisaient les délices de nos desserts à la fin de l’été, et la convoitise de nos yeux d’enfants. Au fond du patio une véranda couverte et carrelée préservait de la grosse chaleur tout le devant de l’appartement occupé par mes grands-parents.
L’heure de la sieste était néfaste aux grains dorés, inconscients, gorgés de soleil. La chaleur insoutenable en début d’après-midi, avait introduit dans ce pays le rite de la sieste. Tournez la page
Et la vie s’installa. La cité s’étendit, la population s’accrut. La progéniture ne se posa point de questions. Elle était née en Afrique du nord, l’Algérie l’avait enfantée. Pablo, mon grand-père maternel, fit partie de ces enfants-là. Il ouvrit les yeux sur le sol du Maghreb, en pays Français. Quand il se maria avec Magdalena, il était maçon. De leur union naquirent deux filles et deux garçons. Il se mit alors à bâtir de ses mains, pierre après pierre, un nid pour les siens dans un quartier de la ville : le faubourg Thiers. Cette maison familiale qui fut le cadre de mes vacances enfantines s’auréole dans mes souvenirs d’une tendresse infinie.J’y revois des scènes naïves de bonheur qui rejaillissent des abîmes de ma mémoire, et qui folâtrent devant mes yeux, échappées du soleil, et si précises que le présent et le passé se confondent dans la chaleur des souvenirs. Mes cousines, mes chères cousines peuplent à mes côtés ces images d’antan, résurgence d’un passé refoulé, si présent dans mon cœur aujourd’hui.
Trois petites ombres dansent tout près des murs délavés…