Délicieuse odeur des amandes grillées, broyées, emprisonnées dans le caramel roux, et prenant forme sous les doigts du Maître. C’était un magicien : le sucre fondant et bouillant se transformait sous ses mains, ignorantes de la chaleur, et armées d’un seul petit rouleau de cuivre, en immenses paniers de nougatine, accueillant des montagnes de choux truffés de crème. Au moment des communions, il était capable de façonner des cathédrales de deux mètres de haut dans la nougatine. Tout Bel-Abbès lui passait commande. Outre un kiosque qui lui appartenait devant le marché, il desservait tous les jours plusieurs alimentations, empilant les cageots de gâteaux dans sa petite fourgonnette. Il avait appris son métier dans la plus grande pâtisserie de la ville : la pâtisserie ‘’Savoureux’’, où il avait été premier ouvrier avant de s’installer à son compte. Le four était une tentation réelle, constante, et le moment de la sieste nous fournissait l’heure propice. Alors, poussant furtivement la porte de cet antre de la gourmandise, nous repérions d’un seul coup d’œil les grandes casseroles débordantes de chocolat fondu, ou les grandes bassines de crème, et nos doigts dans un mouvement de va et vient rapide du récipient à la bouche, nous restituaient concrètement ce que notre odorat avait décelé dans les bonnes senteurs qui avaient envahi la cour le matin.