Souvent la mère de famille s'apercevait que la tombe n'était pas fleurie ; alors, ulcérée, .elle prenait tout son monde à témoin en clamant que les valeurs se perdaient vraiment...ou que les héritiers étaient des "sin verguenza !". Puis d'un geste condescendant, elle déposait sur le marbre une fleur, en se signant et en disant : "Pobrecito, que Dieu ait son âme".
Nos fous rires étouffés résonnent encore dans ma mémoire...Jamais devant notre Perpète à nous, nous n'aurions ri : les moustaches de Manuel, telles qu'elles qu'elles apparaissaient sur sa photo, sur la stèle, étaient bien trop impressionnantes ! Nous nous sentions d'emblée placés sous son autorité et sous celle de tous les ancêtres dont les noms brillaient au soleil avec une intensité particulière. En ce jour mémorable, l'apothéose arrivait avec Rosalie et ses filles aussi émues que chargées de chrysanthèmes, suivies de Louis fidèle à lui-même avec son cache-col et son sempiternel béret. Nous leur faisions une haie d'honneur, les yeux pleins de larmes pendant que les chrysanthèmes étaient confiés à perpète par les douces mains de mamita et de nos mamans. Puis nous attendions regroupés, le signe de croix de Rosalie pour entrer en prières.
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Claire Ecsedy : les Chrysanthèmes 4/5
extrait de son livre : la fille du légionnaire
Souvenirs de Sidi-bel-Abbes
Le patriarche M. , très malade devait subir une opération importante. Son épouse avait fait ériger ce tombeau, redoutant une issue fatale. Heureusement, cet oncle s'en était bien sorti et, par conséquent le tombeau était resté inoccupé.
Bien entendu, peu de personnes connaissaient l'anecdote et c'était pour nous les enfants, chaque jour de Toussaint l'occasion de faire de petits paris comme...un bazooka, si oui...contre un zan, si non !
Nous nous postions à proximité du tombeau et guettions le passage d'une famille aux bras chargés de fleurs.