Rosalie faisait pousser ces fleurs, chaque année. Elle surveillait attentivement leur croissance ; elle fabriquait des tuteurs à l'aide de roseaux qui allaient les guider vers un maintien altier.

Et à chaque Toussaint le prodige se réalisait : le jardin s'illuminait de ces grosses boules blanches, violettes, jaunes ou rousses, aussi grosses qu'une tête d'homme.
Nous pressentions déjà le sentiment de fierté si légitime que Rosalie éprouverait en garnissant notre Perpète, cette fierté qui rejaillirait sur nous tous qui vivions sous son aile.
Mais avant cette récompense ultime, que de suées !
La fièvre nous prenait deux jours avant la Toussaint. Louis, magnanime, prenait le magasin familial en mains pour la journée ; le sacrifice était grand puisque sa sieste était compromise !
Nous suivions alors Rosalie jusqu'au cimetière, les bras chargés de notre précieux matériel ; puis à travers les allées, nous rejoignions Perpète. De joyeux échanges de bonjours retentissaient d'une tombe à l'autre ; chaque famille de notre classe sociale était fidèle à ce rendez-vous annuel
Le signal était donné...Nous brandissions nos outils comme les croisés leurs étendards...A nous l'usure du temps !
Désherber, frotter Perpète, sa stèle et son chanfrein au savon noir et à la brosse dure, rincer à grande eau, chasser la rouille des grilles...
C'était ensuite une pause bien méritée à l'ombre des cyprès où nous dégustions le pique-nique de Rosalie avant de nous remettre à l'ouvrage.
Tournez la page
Accueil / Index Ecritures / Index thématique / page précédente / page suivante / Ecrire à Claire Ecsedy
Claire Ecsedy : les Chrysanthèmes 2/5
extrait de son livre : la fille du légionnaire
Souvenirs de Sidi-bel-Abbes