Souvenirs de Sidi-bel-Abbes
André Amadeuf : la dernière année des ateliers du Collège Moderne de Sidi-Bel-Abbès
ex Ecole Primaire Supérieure, page 5/9
Si par distraction ou maladresse nous avions retiré un peu trop de métal et que le jour apparaissait entre les deux morceaux de l'ajustage, nous mations (battre avec un marteau) légèrement les bords de l'endroit défectueux (on ne voyait plus le jour) afin qu'au premier regard l'ajustage paraisse parfait...! Cela ne trompait pas les professeurs qui avaient dû utiliser cette pratique bien avant nous dans leur jeunesse et notre note était aussitôt passablement diminuée !
Pour pratiquer toutes ces découpes il fallait utiliser la scie à métaux pour les dégrossir ce qui était assez facile pour les parties mâles et encore pas toujours !
Pour les parties femelles après le sciage , il fallait terminer de retirer le métal en trop à l'aide d'outils de coupe : burin ou bédane .
Pour ce faire nous les maintenions solidement dans l'étau et frappions sur elles avec une massette qui devait peser plusieurs kilogrammes ! Le bruit dans l'atelier devenait infernal et notre concentration poussée à l' extrême !
Malheur au distrait ou au maladroit qui faisait glisser de travers la massette sur la tête du burin. La main qui le tenait recevait un coup dévastateur et très douloureux qui enlevait facilement un centimètre carré de peau.
Les premiers temps, notre pouce, l'index et les os qui les reliaient au poignet étaient constellés d'écorchures en surface et de bleus en profondeur !
La fréquences des coups faisaient qu'au bout d'un certain temps les bédanes et burins perdaient leur tranchant ou cassaient et ne pouvaient plus être aiguisés. C'est alors que Mr Béghin allumait la FORGE !
C'était un cube en maçonnerie de un mètre de côté environ ; sur le dessus, au milieu était fixée une grille sur laquelle le charbon y était disposé. Sur un côté une soufflerie à manivelle permettait d'activer le feu par un tuyau qui aboutissait sous le foyer. Le tout était surmonté d'une hotte d'évacuation des fumées. Mr Béghin chauffait à blanc les outils défectueux, les maintenait sur l'enclume avec une drôle de grande pince et en quelques coups de marteau d'une grande précision les remettait à neuf avant de leur faire subir une trempe dans un récipient plein d'eau dans laquelle ils pénétraient en sifflant avec un gros dégagement de vapeur, cela faisait durcir l'acier de l'extrémité tranchante ! Il ne restait plus pour terminer la finition qu'un léger passage à la meuleuse !