André Amadeuf :
un professeur opprimé et malchanceux, page 5/7
Souvenirs de Sidi-bel-Abbes
-Que se passe-t-il ? Donnez-moi ce képi!
Comme par enchantement celui-ci disparut passant à nouveau de table en table, par dessus, par dessous, à droite, à gauche, le professeur courant en tous sens pour s'en saisir !
Quand il l'eut enfin en main le scénario habituel se produisit : arrivée du Principal et du surveillant général !
Interrogatoire, qui a fait quoi ? Qui a apporté le képi ? Qui l' enfonçait sur la tête de..? Qui..? Quoi ?
Avec Manu nous fûmes interrogés, notre réponse fût claire et précise et sans appel :nous suivions la leçon, nous n'avions rien vu de ce qui se passait derrière nous !
Jean-Pierre R..qui était seul derrière les deux coupables assura qu'il...qu'il...na..na.. na..vait..vait..vait rien vu ,qu'il croisait les bras et qu'il écoutait religieusement le cours ! tout en accentuant lourdement et artistiquement le bégaiement dont il était affligé !
Ce fut une cascade de rires et du délire parmi les élèves !
François et Jésus furent traduits rapidement en conseil de discipline, Jean-Pierre cité comme témoins !
Le conseil n'arriva pas à éclaircir l'affaire, Jean-Pierre eut un avertissement sans frais le conseil s'étant rendu compte que sa version des faits relevait de l'impertinence, les deux autres écopèrent de huit jours d'exclusion ! Notre imagination étant sans limite, nous trouvâmes une solution pour que les parents des punis n'apprennent jamais le fin mot de l'histoire !
Une quête fut organisée en urgence, les fonds recueillis remis à François et Jésus ! Ceux-ci se précipitèrent à la poste où ils firent une demande officielle afin que le courrier adressé à leurs familles respectives soit mis en attente en poste restante dès le lendemain et pour quinze jours !
L'administration des postes moins tatillonne que de nos jours la leur accorda sans barguigner ! Pendant une semaine ils firent semblant d'aller au collège. A la sortie, ils nous attendaient sur le glacis, nous leurs passions les relevés des cours, les devoirs à faire, les leçons à apprendre, afin que le soir ils donnent le change aux parents !
Tous les jours ils passaient à la poste, ils récupéraient éventuellement le courrier familial qu'ils glissaient dans les boîtes aux lettres paternelles.