André Amadeuf : 5 juillet 1962 4/9
Souvenirs de Sidi-bel-Abbes
A cet instant arrive une petite Renault : je pense que c'était une Dauphine ! A son bord un homme jeune, son épouse et deux enfants dont un bébé de quelques semaines. Il s'agit d'un médecin et sa famille qui rentrent de la plage. Nous les interceptons avant qu'ils s'engagent vers la brasserie Bousquet, ils entrent, nous fermons aussitôt le rideau et surveillons les alentours. Des F.L.N. arrivent dans un car qu'ils garent face au garage, ils investissent les immeubles et en ressortent avec des civils européens, des hommes seulement qu'ils font monter dans le car après avoir récupéré les clefs et les voitures de ces malheureux. Quel sort leur a-t-il été réservé par la suite ? J'en tremble encore !
Le Garage Peugeot a plusieurs étages, on y accède par une rampe en colimaçon. Nous faisons monter la Renault du docteur avec sa femme et les petits au dernier étage, les enfants ont faim, soif , ils pleurent, il n'est pas question de les laisser au rez de chaussée, ils pourraient trahir notre présence. Nous allons vivre cinq à six heures d'angoisse en attendant le pire ! Hasard ? Chance ? Les F.L.N. n'ont pas l'idée d'entrer dans notre cachette bourrée de voitures dont les clefs sont accrochées sur un grand tableau !!
Vers cinq heures de l'après-midi, ils se rassemblent rapidement et disparaissent avec leur triste butin, des patrouilles de l'armée française prennent enfin possession des rues. Nous nous dépêchons de quitter les lieux, je me dirige vers l'hôtel qui doit être à moins de deux cents mètres du garage.
A l'accueil, je trouve quelques militaires clients tout comme moi. Un sous-officier du 28ième train est décomposé, il tremble de rage, de désespoir et d'impuissance, il a vu devant sa caserne à quelques pas des sentinelles de notre armée, des civils français qui ont été lynchés et même dépecés par une foule en délire. Les militaires n'ont pu intervenir en raison des ordres formels d'un certain Général Katz
(voir note 4).....!

Le couvre feu a été instauré. Nous n'avons rien à manger, la patronne de l'hôtel nous donne à chacun un petit morceau de pain agrémenté d'un brin de jambon cuit.
Je dors très mal cette nuit là ! Une foule de questions se bousculent dans ma tête ! Au petit jour du 6 juillet 1962 ma décision est prise. Je rentre en France avec ou sans voiture !
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