AVEC LES KEPIS BLANCS RUE DE LA JOIE A BEL-ABBES (rue verte) 08/10 par Marcel Carrière Reportage photo, Paul Buisson, Extrait de la revue Détective |
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Lili conserve les lettres dans un coin de sa valise, sous son lit. Elle me les a montrées. Ellescommencent toutes par : Anna carissima...
Quarante-cinq à l'ombre. Tout repose, à Bel-Abbès. Les fauteuils aux terrasses des cafés, tendent inutilement leurs bras brûlants ; l'agent de la circulation a déserté son parasol : des indigènes dorment, collés aux murs ; de derrière les rideaux tirés des petits bistros ne parvient aucun écho ; les chiens aplatissent leurs museaux haletants dans les flaques d'ombre projetées par les arbres. Seul, l'arme au pied, devant sa guérite, un légionnaire monte la garde à la porte de la caserne. La sueur fait briller sa peau. Dans l'ombre bleue de la visière brûlent deux yeux clairs. A la même heure, la patronne du Soleil, dans le quartier réservé, écoute labelle histoire que lui raconte un légionnaire un peu gris. Cette souriante Marseillaise ne se lasse jamais. Aux heures lourdes de cafard, elle est toujours là, attentive, compatissante aux douleurs qui se disent irréparables, et qu'elle apaise d'un mot, ou d'une tape amicale sur sa joue. Les légionnaires la connaissent bien. Ils sont sûrs de trouver auprès d'elle le sourire qui réconforte ou la blague qui remet tout en question. -Ils en profitent, les bougres. Depuis que j'en vois passer, des képis blancs, c'est un peu comme si j'en étais, moi aussi. |
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Celui qui parle, à cette heure où tout dort, n'a pas vingt ans. Sur son visage aux traits flous d'adolescent, une moue d'enfant boudeur :
-Je vous dis qu'<<ils>> ne voudront pas que je revienne. Vous pensez, des bourgeois comme eux ! Déjà, il y a deux ans, quand je leur ai annonçé : << voilà, c'est décidé, je m'engage à la légion >> ç'a été la croix et la bannière pour << leur >> arracher leur consentement. Ma mère a dit : << toi, mon fils ? Avec tous ces assassins ! >> Et elle s'est évanouie. Tournez la page |