Souvenirs de Sidi-bel-Abbès
Extraits de la Vie parisienne 1936, AMOURS de LEGIONNAIRES 12/18 par Michèle de Nicole

Leurs cheveux s'enroulent dans des foulards richement brodés. Elles ont, sur les hanches et sur les épaules, des châles de couleurs précieuses. Des bijoux sans beauté véritable et des ceintures finement ouvragées les parent. Tout à coup, stridente, aiguë, surhumaine, une musique éclate. Dans le fond de la pièce, des joueurs de khaïta et de derboukha se démènent. Du tambourin, un martellement régulier, sourd, profond, vous tombe sur le cœur. D'une flûte part un son frémissant qui obsède, irrite. Les nerfs se nouent. première répulsion surmontée, on se laisse conquérir. La musique entre en nous, court avec notre sang. Elle ne fouette pas, elle ne fait pas bondir, comme la musique nègre. Non. Elle n'a pas tant d'ardeur. Elle vous prend, vous roule dans son rythme, elle vous étourdit et vous met dans un léger état d'hypnose. Lorsqu'on s'arrache à l'orchestre, il faut se soustraire à un autre envoûtement : Celui de la danse. Une femme s'est levée soudain. Toute droite au milieu de la piste minuscule, elle s'offre au regard.

Il faut s'habituer avant de découvrir un charme à cette étrange harmonie. Puis, la C'est une belle fille, bâtie pour l'amour, pulpeuse comme un fruit mûr, à la peau blonde comme un rayon de soleil, à la chair drue. Ses seins sont lourds, sa taille fine. De ses prunelles sombres monte un regard qui vient du plus profond d'elle-même et que les hommes reçoivent en pleine chair.

Une extraordinaire puissance érotique se dégage d'elle. Elle danse. Presque immobile. Ses seins tressautent doucement. Son ventre se meut à peine. Ses reins s'incurvent. Puis elle s'anime graduellement. La cadence s'accélère. Ses yeux brillent, sa bouche s'entr'ouvre sur des dents humides. Le corps tremble, comme dans l'amour... Sa ceinture dorée marque impudiquement le mouvement lascif du ventre... Les bras roulent, glissent, se tordent comme des flammèches. L'exacerbation arrive à son paroxysme. La musique sanglote sauvagement. Des lueurs s'allument dans tous les yeux. Les hanches de la danseuse se balancent. Puis, violemment, elle mime un plaisir brutal... Alors, une autre femme prend sa place, tandis qu'épuisée, les yeux meurtris, elle tombe sur une natte... L'autre mime une danse guerrière. Elle vole, elle bondit. Elle est à la fois la captive qu'emporte le vainqueur et le guerrier lui-même. tournez la page

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