Souvenirs de Sidi-bel-Abbès
Extraits de la Vie parisienne 1936, AMOURS de LEGIONNAIRES 9/18 par Michèle de Nicole

Deux hommes jouent, à pile ou face, leur fortune commune et leur bonheur immédiat. Le perdant dit à celui qui entre chez une des femmes : — Tu me raconteras, dis ?

Un légionnaire ivre a déroulé sa ceinture et la fait glisser comme un serpent charmé par le sifflement qu'il module. — Regardez, approchez, crie-t-il... Des rires lui répondent. Si l'on tourne le coin de la rue, on voit des Arabes, dans leurs échoppes, qui boivent du thé en silence. Le Hammam, où dans l'atmosphère surchauffée, des hommes détendent leurs membres las, dresse sa masse. Le minaret carré, qu'une touffe de térébinthe a envahi, s'isole vers le ciel. Les maisons « chic » ont les mêmes noms que partout. Il y a la Lune, le Soleil, le Palmier, chez Aline, le Panier Fleuri...On pourrait se croire dans n'importe quel quartier chaud, mais il est plus chaud, plus avide, plus brutal, plus réel. C'est partout, ou presque, le même spectacle. A l'entrée, une vieille arabe, retirée des affaires, les pieds nus sur une chaufferette, distribue des tickets d'entrée. Il en coûte un franc pour pénétrer là, près des femmes qui dansent, qui aiment et qui consolent.

En bas, une grande salle au sol mosaïqué. Les poutres du plafond sont apparentes, les murs sont peints en bleu. Les femmes, belles pour la plupart, essaient de plaire... Pourtant, elles savent bien que ce n'est pas la peine, les clients ne manquent pas...Mais elles sont en robes du soir... Robes blanches, robes noires, robes vertes, robes longues qui leur donnent un air si féminin. Des tables de bois clair, des verres épais. Une piste. Un pick-up. De la musique, des voix ardentes, une fumée épaisse. Il fait bon ! Dans un coin, une fille est assise à côté d'un Légionnaire encore jeune, à l'air las. Elle a un visage rond, une bouche enfantine, des yeux tendres. Elle a posé sa joue contre la joue virile. Tous deux se taisent et sourient... De temps à autre, un des Légionnaires présents vient et demande à l'homme : — Je peux prendre Claire pour un moment ? — Mais oui, bien sûr, mon vieux. — A tout à l'heure, dit Claire en le quittant. tournez la page

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