La T.S.F. égrène un lied allemand. Une voix ample qui contient toute la désespérance du monde chante : Dein Gedenken brennt in meinem Herzen, Wie der Dorn der Rose sticht...Ton souvenir est dans mon coeur Comme une épine dans la chair... Alors les légionnaires se mettent à chanter... Et c'est comme si chacun retrouvait sa vie, se retrouvait lui-même... C'est étrange et affreusement triste.Tout à coup un grand Allemand roux arrête la T.S.F. et gueule :
— Assez, là-dedans... Assez ! C'est à devenir fou. Patron, apporte-nous à boire...Il ajoute, d'une voix plus douce : — Il faut ça, aussi, pour ne pas penser. Alors, un des hommes présents se met à parler d'une voix morne : — Il y a des soirs où réellement on a envie de se tuer. On se sent trop seul. Trop isolé... On a envie de dire tout ce qu'on sait, tout ce qu'on a vu...
Envie de parler, de ressusciter un mirage... Mais à qui se confier ? Parler pour qui ne comprend pas ? A quoi bon !... Et chacun de nous n'a-t-il pas son propre secret ?...— Assez, cria encore le géant roux. Tiens, bois... A ce moment la porte s'ouvrit.