Souvenirs de Sidi-bel-Abbès
Extraits de la Vie parisienne 1936, AMOURS de LEGIONNAIRES 5/18 par Michèle de Nicole
Foutu pour foutu, j'aime autant crever ici. Mais le plus tard possible... Je veux gagner du temps... Vivre encore...— Vivre !...On est habillé, on mange bien. On sait où coucher...Manger et dormir, après tout, ça peut s'appeler vivre. Il a un ricanement : — Seulement, vous êtes trop frais, trop rose, trop
bien rasé... Les premiers temps vous ne serez pas tranquille... Ce n'est pas les punaises qui sont à craindre... mais les hommes...— Assez ! réplique brusquement le civil. Puis il se radoucit, frappe sur l'épaule du jeune nordique : — J'ai encore de l'argent. Il faut qu'on le dépense. Conduis-moi où il y a des femmes. — Bon, fit le légionnaire... Allons au Village Nègre,... Ils sont partis. Je reste immobile, glacée. Comment n'avais-je pas pensé à cela ?... Il faut bien que cet immense besoin qu'on a de l'amour se rassasie !
Et je revois dans mes souvenirs Dimitri, si beau, si tendre, dont toutes les jeunes filles étaient amoureuses.Vrai héros de roman, il venait de la Légion, on eut dit exprès pour éveiller de chastes désirs dans les poitrines à peine écloses. Il restait impassible sous les regards où s'accrochaient des sourires juvéniles et des larmes proches... — On reste marqué... Et François ? Comme j'ai hâte de le revoir... Et peur en même temps... Faut-il que notre amour, à peine né, soit mort déjà ?
4. - WIE DER DORN DER ROSE STICHT...
Sans que je m'en sois aperçue, perdue dans ma rêverie douloureuse, l'atmosphère a changé, insensiblement. Il fait très chaud. Le vin d'Algérie, épais et ardent, rosit leurs joues et pose aux yeux des légionnaires des reflets inquiétants. Et ces yeux sont posés sur moi. Ma présence fait naître en eux une fièvre soudaine... Si nous n'étions pas civilisés, le plus fort se ruerait sur moi, après m'avoir ravie aux autres. Et j'ai honte de ne pouvoir servir qu'à un seul homme, de ne pas être pour tous ce que je suis : « Une femme... »
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Sans que je m'en sois aperçue, perdue dans ma rêverie douloureuse, l'atmosphère a changé, insensiblement. Il fait très chaud. Le vin d'Algérie, épais et ardent, rosit leurs joues et pose aux yeux des légionnaires des reflets inquiétants. Et ces yeux sont posés sur moi. Ma présence fait naître en eux une fièvre soudaine... Si nous n'étions pas civilisés, le plus fort se ruerait sur moi, après m'avoir ravie aux autres. Et j'ai honte de ne pouvoir servir qu'à un seul homme, de ne pas être pour tous ce que je suis : « Une femme... »
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