Au-dessus d'une affiche de propagande où sont inscrits ces mots « L'alcool tue », une main facétieuse a ajouté : « Mais un légionnaire ne craint pas la mort ». Toutes les tables sont déjà prises. Je m'assied à côté d'un jeune nordique, blond et mince comme un épi mûr, qui porte l'uniforme. Il accueille ma venue
avec indifférence. Je mange lentement, un peu gênée par toutes ces prunelles qui se posent sur moi. Tout à coup, un nouveau venu franchit la porte.
C'est un civil, bien vêtu, trop bien peut-être. Il est brun, rablé, avec des yeux immenses, durs et brillants. Il porte sur son visage les traces d'une adolescence troublée. Il s'assied en face de moi et, sans plus attendre,
entame une conversation avec mon voisin : — Ecoutez, mon vieux, je crois bien que nous allons devenir collègue. Pouvez-vous me donner quelques tuyaux ?
Le légionnaire blond le regarde, puis, d'une voix lente, il répond : — C'est difficile de parler de la Légion... Il y a de tout là-dedans. On est mille et on se sent seul... désespérément seul. Pas de gens cultivés... ou si peu.