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Adieu à Bel Abbès 06/13 par Georges Blond (extrait du n° special d'Historia consacré au 150ème anniversaire de la Légion étrangère) |
Les "Fellouzes" au quartier Vienot
Le jour anniversaire de Camerone -30 avril- le colonel s'y avance sur le front de son régiment pétrifié, au milieu d'un silence impossible, et alors est lu le récit du combat fameux. Et d'autres espaces de la cour sont interdits et d'autres permis. En septembre 1962, il était convenu que seuls les officiers pouvaient emprunter deux couloirs tracés de part et d'autre de "la voie sacrée". Aucun réglement écrit n'en avait décidé, et aucun des officiers que j'ai interrogés plus tard ne connaissait l'origine de cette tradition, pas tellement ancienne m'ont-ils dit. Peut-être avait-il suffi d'un ordre d'un adjudant de semaine fanatique de la hiérarchie ; et ensuite on avait continué. Cette inégalité était religieusement maintenue dans le corps où le pourcentage d'officiers tués a été de tout temps le plus élevé. On était en septembre 1962. L'indépendance avait été accordée aux Algériens non victorieux, les Français partaient, la légion morcelée préparait son évacuation définitive, il allait falloir transporter ailleurs armes et bagages, déménager le musée plein de glorieux souvenirs, le temps des héros, saints des saints où des milliers de nouveaux engagés avaient été introduits d'autorité, obligés au respect, invités à l'admiration, à la vénération des reliques sacrées, main de bois du Capitaine Danjou, armes des |
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régiments étrangers de l'Ancien Régime, boutons d'uniforme, drapeaux alourdis, écrasés de médailles, portrait de tous les colonels du 1er Etranger, noms gravés dans le marbre de tous les officiers tués au feu, sabre du président mexicain Juarez, trophées de Tuyen Quang et de Mousseifré, galons d'officiers, culasse des fusils des héros d'Alouana. Il allait falloir infliger à tous ces objets de vénération et de culte l'humiliation de l'emballage et du déménagement, et dans quelques semaines, les fellagahs non victorieux, pénétreraient dans le quartier Viénot. Voilà du moins ce qu'on croyait alors, ce à quoi on pensait avec dégoût. Les fellouzes fouleraient le sol sacré, ce serait la fin d'un règne, la fin d'une époque, la fin d'une épopée, peut-être ? La Légion ne voulait pas le savoir. Pas encore.
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