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Adieu à Bel Abbès 03/13 par Georges Blond (extrait du n° special d'Historia consacré au 150ème anniversaire de la Légion étrangère) |
Maintenant on était en septembre 1962. Le morcellement et l'évacuation de la Légion avait commencé vers la métropole, vers la Corse, vers Djibouti, il n'y avait plus à Bel Abbès que sept cents légionnaires au lieu de dix mille. Au terme des accords d'Evian, les troupes françaises n'avaient pas le droit, avant leur rapatriement de sortir de leurs casernes en unités constituées. La légion ne voulait pas le savoir. A Bel Abbès, des compagnies de la Légion continuaient à défiler en chantant le fameux "Anne-Marie". La clique accompagnit tout légionnaire quittant la garnison.
Vous vous avanciez par les rues à la recherche des rares hôtels encore ouverts. La ville a été fondée par la Légion en 1843, sur un lieu marécageux où un marabout perpétuait le souvenir d'un pieux ermite, Sidi Bel Abbès. Ni le quartier arabe, ni le "village nègre", beuglants et maisons closes, n'offrent le moindre intérêt. Ailleurs, certaines rues gardent du peuplement de commerçants une allure vaguement espagnole, mais l'ensemble, maisons de ciment et de briques à deux ou trois étages, rues se coupant à angle droit, est sans caractère et sans attrait. Partout, les boutiques se touchent, commodité pour le militaire, avec cette particularité surprenante dans une ville de garnison : nombreuses pâtisseries. C'est que la Légion compte beaucoup d'Allemands. On était en septembre 1962, dix semaines après l'indépendance. Il ne restait à Bel Abbès que quelques centaines de civils français, sur trente mille. |
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Les musulmans ne se montraient pas dans les quartiers du centre. Les trois quarts des magasins étaient fermés, rideaux baissés ; d'autres cachaient mal leur façade trouée (plastic) derrière des planches clouées. Partout des affiches et des grafitti. Affiches tricolores : "je suis français". "Une parôle de trop, un patriote de moins". "Vive Salan !" "OAS vaincra". A côté ou sur ces affiches mêmes, l'inscription adverse, "Vive le FLN, et les slogans FLN pour le référendum : "Votez Oui, Oui, oui, oui". On pouvait même lire sur un mur, au minium en très grandes lettres "Votez Voui".
Les rares passants dérivaient lentement dans les rues, l'air absent.<<Tiens, vous venez de Paris ? >> vous disait le patron d'un petit hôtel, mais sa curiosité n'allait pas plus loin. Questionné, il haussait les épaules : -Quest-ce que vous voulez qu'on dise ? On a l'impression que tout ça s'est passé il y a cent ans.. Tournez la page |