09.09.1885
DU MARCHÉ
ET CE QU'EN PENSE LE BON DIEU
Un jour le bon Dieu ayant bien peu à faire, ouvrit une fenêtre dans la voûte céleste et tendit une oreille du côté de Bel-Abbés.
Qu'est ceci dit-il ? Des bruits de halles en toutes langues glapissantes se mêlent aux oremus ; les cris de cebollas, ajos, patatas, etc., font chorus avec mes pater et mes agnus ! Des marchands de cacahuètes, d'arros et d'haricots, de fèves et de légumes, tous rafraîchissants et très débilitants, fusionnent leurs arguments à ceux de mes fervents, je me perds au milieu de tous ces boniments ; ici la confession, là la confusion et j'entends mes chères ouailles rimer avec volailles : d'un côte du latin auquel je ne comprends rien, de l'autre les hurrahs de marchands chauffant la clientèle. Quel bruit ! et d'où vient ce gâchis !
Mon Eglise doit-elle être un refuge solitaire où jamais ne s'explique le saint mystère, ou est-elle un temple de marchands, de ceux que je chassai au temps où j'étais Christ ?
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