Le nouveau marché du centre-ville 3/17
Et j'en étais là de mes réflexions, lorsque je reçus en pleine figure le capuchon d'un grand arbico que j'accueillis par une poussée en sens inverse, qui me valut une bordée d'injures, motivées sur ce que le dit capuchon était plein d'oeufs, lesquels venaient, pour la plupart, de passer à l'état plus homogène d'omelette.
Au même instant un grand Pointer, qui se rafraîchissait dans le seau d'une marchande, était bousculé par un gros chien de ferme, qui suivait avec l'aveuglement de la passion, une jeune chienne à longs poils. Aussitôt bataille, étalage bouleversé et tumulte, au milieu duquel je recevais dans le côté un formidable coup de panier qui me lançait sur un couffin où geignaient discrètement deux lapins. Sous mon impulsion, récipient et contenu roulaient dans les jupons de leur propriétaire, une gaillarde aux
forts appas et à la langue idem, qui me régala d'un « gran p.... » dont j'ignore le sens exact, mais dont, toutefois, je suppose l'intention peu cordiale.
Quoi qu'il en soit, et au moment où pour sauver la situation, je me rejetais du côté opposé, je sentais le godillot d'un légionnaire me broyer le pied, pendant qu'un coude puissant et pas du tout potelé m'entrait dans le flanc.
Ma seule consolation, dans ce moment critique, a été un doux et charmant « pardon Monsieur » qu'a bien voulu m'accorder une jeune et jolie dame, dont le ... la tournure, certes bien élastique et dodue, était venue s'écraser sur moi.
Et plus que jamais convaincu des inconvénients du marché actuel, je me retirai, ne comprenant pas que la ville de Bel-Abbès, si pratique, si coquette, n'ait pas, à l'instar de tant d'autres villes qui ne la valent certainement pas, un marché convenable, couvert ou même découvert, orné de tables où serait étalée la marchandise à hauteur de l'oeil et de la main, percé de voies larges, accessibles, où chaque industrie aurait son quartier, et tous les acheteurs la satisfaction indispensable de circuler sans s'écraser ni se bousculer. L'espace, pourtant, ne manque pas et l'on trouverait bien vite un spéculateur pour créer un vaste marché couvert, sous certaines conditions et redevances.
Le vieux marché qui suffisait à une population de 10.000 âmes est absolument impossible pour 20.000 ; on l'a compris, puisqu'on l'a abandonné, mais sans songer à en installer un autre, bien que la place de la Légion, celle des Spahis ou de l'hôpital soient là pour le recevoir dans d'excellentes conditions d'espace et de convenance.Tournez la page