Baigneur sur une plage d'Algérie, photo R.L.
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Raphael Soria : les Mouettes page 1/4
Souvenirs Bélabésiens
- Dis, tonton, y paraît qu’tu vas à Mosta*, cet aprèm ?
- Oui.
- Tu nous prends avec toi, dis ?
- Impossible !
- Prends-nous avec toi, dis ! Promis, on t’embêtera pas !
- Non. J’ai des choses importantes à faire ! Je ne peux pas m’encombrer de deux galopins remuants comme vous !
- Prends-nous avec toi, dis !
- Non.
- Tu pourrais nous déposer à la plage, Fernand et moi, et nous reprendre en revenant ! Tu veux bien, dis ?
- Comme ça, oui, c’est d’accord !
*
Mostaganem
En début d’après midi, nous voilà partis dans la vieille Juva.4, mon oncle, mon cousin Fernand et moi en direction de la plage.
Ce que nous nommons entre nous la plage, c’est réellement une ancienne station balnéaire. Elle porte le nom de Moulin-de-Bigorre, ce qui est assez inattendu pour une plage algérienne de l’est oranais. Elle se situe presque à mi-chemin entre Tounin, le village où nous résidons, et la petite ville de Mostaganem. Assez célèbre en son temps, elle est maintenant complètement désertée. Au fil du temps, la mer, inlassablement, a peu à peu gagné sur les habitations, passant par-dessus les parapets de protection, minant les fondations, brisant les vitres, érodant les maçonneries, pourrissant les boiseries, faisant s’effondrer murs et toitures. Allée après allée, les maisons ont été régulièrement sapées les unes après les autres, offrant aujourd’hui au regard du passant un amoncellement de décombres informes rongés par une lèpre moite et envahis par une mousse verdâtre. Lassés par leur lutte inégale contre la Méditerranée têtue et persévérante, arrachant à la ruine le moindre objet qui, à leurs yeux, eût quelque valeur, les rarissimes habitants habituels et les derniers résidents occasionnels de la station ont fini, de guerre lasse, par l’abandonner définitivement à la mer conquérante et aux mouettes sauvages.
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