Le crépuscule se prêtait bien aux poursuites sur les places du quartier, lorsque les stridents martinets zébraient encore l’espace au-dessus de nos têtes. L’objectif de ces infinies cavalcades était de rattraper l’un des participants pour lui crier un retentissant « Tu l’as » avec une bonne tape sur l’épaule. Avec les cousins Armand, Christian, les copains Richard et son frère Roger, nous courions inlassablement pendant que nos parents s’égosillaient, las de nous attendre pour dîner.
A l’automne, avec le retour des classes, renaissaient les divers jeux de billes. Les moins recherchées étaient de terre, puis venaient celles de verre coloré ou « binagates ».
Les plus cotées étaient les « plombs » qui provenaient de l’extraction des roulements à billes.
Tous ces accessoires s’échangeaient suivant une bourse des valeurs fondée sur l’offre et la demande : un plomb pouvait valoir cinq binagates ou dix billes de terre ; il en coûtait cinq, six ou sept de ces dernières pour obtenir une belle binagate aux reflets irisés.
Ces activités multiples s’exerçaient dans les cours, dans les rues, dans la campagne environnante pour les plus entreprenants ; elles jouaient un rôle indéniable dans la connaissance de soi, la reconnaissance de l’autre, hors de la famille ou de l’école au champ d’action limité par nature.