de jours encore meilleurs. Hélas, les soirs de belle affluence, quand son stock de produits se trouvait vite épuisé, il connaissait un moment de désoeuvrement ; après avoir voué aux gémonies toute la gente humaine et les saints sur un ton blasphématoire et incantatoire, il se faisait raisonnable, presque philosophe ; les choses de la vie, leur survenance, cela se devait d’être ainsi, et ses doigts palpant la recette enfouie au tréfonds de sa poche avaient pour effet de le plonger dans une subite et profonde méditation. A la conclusion, rasséréné, il n’avait nul besoin de fuir l’évidence ; ses doigts soupesant une dernière fois les pièces de monnaie, il répondait à l’appel pressant du petit verre de rosé ; « carrico », gril, fils de fer de brochettes et braises encore tièdes, abandonnés à la hâte, gisaient entassés dans un coin. Ces soirs-là, la recette bue, il s’essayait en vain, avec obstination, à reprendre place sur son véhicule ; sa vieille maman alertée avait la lourde charge de récupérer les nombreux colis dont Jeannot, enfin le bienheureux.