C’était un alsacien qui, en 1942 avait été engagé de force dans l’armée allemande, avait fait Stalingrad et à la différence de milliers d'autres « malgré nous », en était revenu vivant.
Comme Monsieur LE GALL il arrivait au lycée en vélo ; c’était un monsieur très méticuleux qui avait décoré sa classe, la première à gauche au rez de chaussée, avec des frises imposantes composées de proverbes allemands en caractères gothiques découpés dans du carton de couleur, qui tapissaient les quatre murs. Il y avait aussi outre de grandes photos de paysages d’Allemagne, et des tableaux de déclinaisons et des conjugaisons sur des panneaux qu’il enlevait systématiquement des murs lorsqu’il faisait une interrogation écrite. L'ensemble donnait la nette impression de constituer une parcelle de territoire allemand à l'intérieur du lycée Lorsqu’il entrait dans sa classe, nous nous levions et nous répondions à son salut tous en chœur et en allemand « bonjour monsieur le Professeur », à la suite de quoi il enchaînait par « une feuille de papier, inscrivez la date » et l’interrogation écrite du jour commençait. Nous n’avions bien évidemment l’autorisation de parler qu’en allemand car il refusait systématiquement de répondre au moindre mot de français.
Je ne sais plus exactement pourquoi arrivé en 4ème j’ai choisi cette langue. Sans doute était-ce pour me différencier de la majorité de mes copains qui avaient tous en masse choisi l’espagnol, étant tous fermement persuadés que « ce serait plus facile pour eux, vu qu'ils le parlaient déjà couramment ».