Le monde civilisé qui consentait si généreusement à les accueillir comportait quand même des convenances que l'on se devait de respecter, que diable ! À commencer d'ailleurs par cet étrange escogriffe que l'on eut beaucoup de mal à convaincre que son idée de balancer son épouse par dessus bord, au prétexte de recommencer une vie nouvelle, n'était vraiment pas très honorable. Et donc, sur la ferme injonction du Pacha qui ne pouvait admettre la moindre contestation, chacun, tête basse et à contrecoeur, avait dû regagner sa couchette d'un pas plus ou moins assuré. Un équilibre d'une instabilité notoire que, sans vergogne, on avait préféré mettre sur le compte d'une houle intempestive. Ça tanguait un peu, et alors ! on était quand même en pleine mer, non ! et que vogue la galère...
Le bonhomme, trop sûr de lui et sans doute motivé par un cupide souci de rentabilité, avait imprudemment provoqué notre champion dans un absurde défi d'où devait sortir vainqueur celui qui résisterait le plus longtemps aux effets maléfiques de moult cocktails de sa composition. Le résultat, aussi navrant qu'il fut, avait démontré sans ambiguïté que les deux hommes n'évoluaient pas dans la même catégorie. Le commandant, bien sûr, ne pouvait cautionner ce genre de compétition à bord de son bâtiment. Passe encore que d'infortunés proscrits cocufiés par "le vent de l'Histoire" soient tentés, pour oublier un court instant les incertitudes d'un lendemain indéfinissable, de noyer leur chagrin par des moyens pas très catholiques, mais tant qu'à faire il aurait été préférable que cela se fasse dans une plus grande discrétion, en catimini pour tout dire.
Tangage 3/3 par Antoine PAVIA
Souvenirs de Sidi-bel-Abbes
Accueil / index Ecritures / index thématique / page précédente
* le nom de notre héros a été modifié