Il ne pouvait s'agir, bien sûr, que d'une simple rumeur que la psychose collective s'était empressée de répandre à travers la ville.  Cette funeste menace n'avait en tout cas jamais effrayé Miguel. C'est du moins ce qu'il affirmait ce soir-là avec vantardise au beau milieu de la Méditerranée, devant un auditoire conquis que sa faconde inimitable avait attiré devant le bar du salon du "Sidi-Bel-Abbès". Pour la simple raison, avait-il cru devoir préciser, que le malheureux quidam qui aurait eu l'infortune de recevoir son hémoglobine n'aurait eu qu'une chance infime de survivre à la cuite carabinée que cette fâcheuse transfusion aurait engendrée. Une perspective peu réjouissante que les kidnappeurs ne pouvaient ignorer car tout le monde au faubourg connaissait sa réputation de grand buveur devant l'Eternel. Quadragénaire exubérant, Miguelico* représentait l'archétype d'une culture hispano-machiste pour laquelle la virilité d'un mâle se mesurait à sa capacité de résistance aux effets pernicieux de l'alcool, et dans ce domaine, c'est vrai qu'il ne craignait personne. Tournez la page
Le bruit avait couru un temps, quand les frères ennemis s'entre-déchiraient allègrement sous l'oeil bienveillant des barbouzes, que les moudjahidines, sans doute en rupture de stock, n'hésitaient pas à s'en prendre au citoyen lambda pour se procurer cette précieuse substance, le sang, dont leurs éclopés avaient un besoin vital.
Tangage 1/3 par Antoine PAVIA
Souvenirs de Sidi-bel-Abbes
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