Souvenirs de Sidi Bel Abbes
Les privations de toutes sortes, bien sûr, et surtout la présence permanente dans nos murs de l'impressionnante armée américaine ramenaient sans cesse dans nos esprits l'idée lancinante de la guerre.
Une préoccupation qui, pourtant, ne semblait nullement
perturber notre bon Placido, patriarche cacochyme de la petite colonie. Septuagénaire décati, un âge canonique en ce temps-là, le "valenciano" trônait à longueur de journée devant sa porte, assis sur sa petite chaise au dossier tout en hauteur, son irremplaçable sillica, en reluquant d'un oeil lubrique les bonnes femmes vaquant dans le patio à leurs tâches ménagères.
Antoine PAVIA : Placido 1/3
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On pouvait à la rigueur lui pardonner ce péché tout à fait véniel d'autant plus que, il faut bien l'avouer, certaines de ces dames, pour accroître sa douloureuse frustration, n'hésitaient pas, avec un rien de perfidie, à suggérer dans leur comportement un peu plus de lascivité que le puritanisme de l'époque pouvait autoriser.
On doit aussi à la vérité dire que notre vieillard avait à son p
assif d'autres petits travers au regard desquels on se garderait bien de prétendre qu'ils portaient ombrage à sa respectabilité mais qui, quand même, avaient un effet désastreux sur sa santé et forcément sur son porte-monnaie.
Notre homme, en effet, ne se contentait pas d'être un fumeur invétéré, la bouffarde éternellement coincée entre ses dents, brûlant un exécrable tabac à l'odeur épouvantable. Il avait en plus, le bougre, comme d'ailleurs son entourage ne manquait pas de lui reprocher de manière insidieuse, un penchant plus que manifeste pour la dive bouteille. C'était, pour tout dire, un borrachòn, et ça, c'était un très mauvais exemple pour les enfants de la cour.
Trop s
ouvent en état de manque, sa stratégie en effet consistait à faire de ces gamins pas si innocents que ça, en fait ses complices pour l'aider à satisfaire ses ruineuses marottes. Tournez la page