Adroit pour la maraude mais peu doué pour les études, Glouglou avait fait la désolation de son instituteur, et l'emploi du singulier à ce propos n'est pas du tout fortuit car il n'eut à connaître, durant toute sa scolarité désespérément bloquée au niveau du cours préparatoire, qu'un seul et unique maître.
L'essentiel de son temps en classe était consacré à l'exercice de grimaces simiesques qui réjouissaient l'ensemble de ses jeunes camarades aux yeux desquels, au fil de ses redoublements successifs, il faisait figure d'ancêtre. Pour maintenir un minimum de sérénité parmi ses élèves, le maître, à bout d'arguments, s'était vu contraint d'isoler le perturbateur dans l'encadrement d'une fenêtre, protégée de l'extérieur par des barreaux métalliques. Ainsi offrait-il quotidiennement aux passants qui empruntaient la rue principale du faubourg, la primeur d'un spectacle insolite, celui
d'une espèce de primate emprisonné dans sa cage, le regard réjoui sous un front étroit surmonté d'une tignasse drue et bouclée, se livrant sans complexe à des exhibitions pour le moins incongrues. Il ne manquait en fait, de la part des badauds, que le jet des cacahuètes que notre héros, sans aucun doute, aurait accueilli en se grattant la panse de contentement.
Loin des clichés pourtant, ceux qui avaient pu le côtoyer plus intimement savaient en vérité que notre bon Glouglou, compagnons des bons et mauvais jours, cachait sous des dehors bourrus - que talugo, tche - une personnalité attachante.
On s'en était vite rendu compte quand, un rien désabusé au terme de son adolescence, il avait préféré s'exiler sur l'autre rive où des perpectives plus alléchantes s'offraient à lui : il laissa alors à son insu un grand vide qu'aucun de ses complices ne parvint à combler. Personne ne l'a plus jamais revu.