Gégé, c'était plus qu'un magicien, c'était un vrai sorcier. Personnage atypique féru d'ésotérisme, il avait appris, on ne sait où ni comment, une pratique mystérieuse qui pour des cerveaux juvéniles relevait, c'est certain, de la pure sorcellerie. Il avait ce pouvoir divin, en exerçant d'étranges manipulations à la base du cou de ses cobayes, de les plonger dans un coma artificiel que fort heureusement une simple et légère tape sur la joue suffisait à interrompre. Et bien évidemment, il ne manquait pas au sein de la petite bande, de garçons en quête d'émotions fortes et tout prêts à tenter le diable.
En cette fin d'après-midi estivale, c'est Diego qui s'était proposé pour se soumettre à l'expérience, un volontariat d'autant plus surprenant que l'on savait sa relation avec Gégé plutôt en berne à cause d'une allusion de ce dernier qui avait ironisé sur sa petite taille, peu adéquate il est vrai avec le poste de gardien de but de l'équipe du quartier qu'il s'était attribué de plein droit.
Mais bon, oubliée cette futile algarade, l'essentiel étant en cette circonstance de savourer avec délectation ce bref mais délicieux
frisson qu'on devait éprouver au moment de franchir les portes de l'inconscience et, de fait,quelques secondes à peine avaient suffi à Gégé pour l'immerger dans la plus douce des torpeurs sous les regards admiratifs de ses camarades subjugués.
Il peut arriver parfois hélas que les choses ne se passent pas comme on les avait prévues et ce jour-là, comme une fatalité, le léger revers de main censé redonner vie à notre bon Diego était resté sans effet.
Surpris et quand même un peu inquiet, Gégé avait dû alors sortir le grand jeu et embrayer les vitesses supérieures. Il passa donc, sans résultat aucun, de la petite claque bénigne à la baffe un peu plus ferme, puis, en désespoir de cause, de la beigne franche et massive au trompazo méchant et vicieux. Rien n'y fit hélas et aucun signe de vie apparent ne daigna se manifester.
Ces divers antidotes, à l'efficacité pourtant peu contestable, s'étant avérés au final désespérément infructueux, on aura vite compris que la petite appréhension qui avait initialement taraudé les esprits s'était transformée en un rien de temps en panique générale. Tournez la page