André Amadeuf :
un professeur opprimé et malchanceux, page 1/7
Souvenirs de Sidi-bel-Abbes
Les instructions officielles de l' Education Nationale venaient probablement de décider qu'à la rentrée scolaire 1950 , des cours d'instruction civique seraient dispensés à tous les Collégiens afin d'en faire des citoyens responsables porteurs des valeurs de la République ! Cette matière toute nouvelle pour nous devait être enseignée probablement par les professeurs d'Histoire et Géographie. Les emplois du temps des professeurs concernés étant certainement saturés, le rectorat nomma un nouvel enseignant chargé de nous faire comprendre cette nouvelle discipline à raison d'une heure de cours par semaine des classes de sixièmes à celles des troisièmes !
Il arriva au Collège Moderne de Sidi-Bel Abbès quelques semaines après la rentrée, il devait nous faire cours le lundi de 14 à 15 heures. De 15 à 16 heures suivait la leçon d'éducation physique, ceci ayant besoin d'être précisé pour expliquer certains de nos futurs comportements.
Il se présenta donc à notre classe, son arrivée fut remarquée. La vie avait due être difficile pour lui avant sa nomination chez nous.
Pour suivre ses études, il s'était probablement privé de tout.Il était vêtu d'un ensemble veste et pantalon propres, mais dépareillé. La veste était passablement râpée aux bas des manches. Nous nous aperçûmes après qu'il se fût assis au bureau sur la haute estrade que les semelles de ses chaussures étaient lamentablement trouées ! Nous ne voyions pas encore ses chaussettes mais...nous risquions de les voir bientôt ! Là ne s'arrêtaient pas ses malheurs, il était frêle , en apparence démuni de toute autorité, et... il était rouquin, le crâne recouvert d'une abondante chevelure ondulée , la peau parsemée de taches de rousseur !
Vous saisissez la suite : en un premier temps aussitôt vu, il fut surnommé "Poil de carotte" puis dans la seconde qui suivait par "Pelo de garota" ou de "carotta" selon l'origine ethnique des élèves et enfin par les intellectuels forts en Anglais "Ginger Red" !
L'entrée en classe se fit dans une joyeuse bousculade accompagnée de rires de cris et d'onomatopées ! Un calme très relatif s'étant établi, il se présenta : je m'appelle M. M.........et il écrivit son nom au tableau.