Le village nègre a perdu son enchantement nocturne. Les femmes passent, traînent leurs babouches, me saluant d'un geste rieur. C'est l'après-midi. Tout est propre, lavé. C'est ma dernière promenade. François est parti au Maroc... Je reviens ici parce que les dernières paroles du colonel m'ont
frappée. Serais-je passée à côté de ces femmes sans bien les connaître ? Une porte est à demi-close. Je la pousse, en demandant : — On peut entrer ?
— Pourquoi pas ? me répond une voix très douce. C'est une pièce plus coquette que les autres. Un lit de cuivre avec un couvre-pied virginal en tient presque toute la place.. Mais il y a des portraits aux murs, des châles et des tapis. — Tu m'excuseras, fait Nina, je finis ma toilette. Assieds-toi. Je la regarde. Elle a plus de trente ans, un corps un peu las, une chair délicate, laiteuse, des formes arrondies, délicieusement féminines. La question qui me brûle les lèvres m'échappe brusquement : — Nina, es-tu heureuse ici ? Elle pose sur moi un regard bleu, étonné.