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Adieu à Bel Abbès 01/13 par Georges Blond Extrait du livre "La Légion étrangère, 1964" (à gauche) repris par le n° special d'Historia (à droite) |
Les petites gares semblables à des gares de la province française étaient vides et désertes, quelques wagons noirs immobiles cuisant sur les voies de garage. On était en septembre 1962.
Le train venant d'Oran débouchait sur une plaine entourée de hauteurs et soudain on était arrivé, on lisait l'inscription : Sidi-bel-Abbès. Vous descendiez, vous regardiez sur le quai à droite et à gauche : personne, pas un autre arrivant. Mais sur le banc juste à côté de la sortie, à dix pas de vous, cinq statues aux visages sombres : la patrouille de l'ALN. Cinq hommes basanés en tenue léopard, casquette à la Castro, mitraillettes entre les jambes, ils regardaient droit devant eux, avec l'expression de gens qui ne veulent rien voir ni entendre. Figés comme des statues, ils refusaient de toutes leurs forces d'entendre ce qu'il était absolument impossible de ne pas entendre, ils feignaient de ne rien entendre de ce boucan qui vous crevait les oreilles, qui vous laissait médusé, là, sur ce quai : venant de l'extérieur de la gare, un air fracassant de musique militaire, une |
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musique assourdissante, orchestre d'au moins trente musiciens jouant à toute force"Tiens voilà du boudin" la marche de la Légion étrangère.
Le spectacle s'offrait à vous dès que vous aviez traversé le hall vitré. Les musiciens n'étaient pas trente mais quarante. En grande tenue d'été, képi blanc, pantalon kaki, chemise kaki, repassée comme aucune chemise au monde, épaulettes vert et rouge à franges, ceinturon de cuir fauve sur la large ceinture de laine bleue, baudrier blanc, guêtres blanche, gants blancs à crispin immense. Jouant à toute force le "Boudin" sous la conduite d'un chef de musique. Tournez la page |
BLOND, Georges 1906 -1989
Georges Blond est le pseudonyme de Jean-Marie Hoedick né en 1906 à Marseille dans une famille de marins: son grand-père était navigateur au long cours et le jeune garçon hérite très tôt de cette passion pour la mer, en s'engageant dans la marine marchande qu'il quitte avec le grade de capitaine. Outre cette vocation lui vient celle de l'écriture, de la littérature qui le pousse, dans les années 30 à collaborer à l'hebdomadaire parisien "Candide" qu'Arthème Fayard a repris pour en faire « le reflet et l'expression de l'époque », y consacrant de nombreuses pages à la littérature. Pendant la Seconde Guerre Mondiale, il est mobilisé à Brest en tant qu'enseigne de vaisseau de réserve: il subit un naufrage, en réchappe et termine la guerre avec le grade de lieutenant de vaisseau. Paradoxalement à son engagement militaire, il collabore en tant que journaliste, aux côtés de Robert Brasillach au journal "Je suis partout", hebdomadaire fasciste et antisémite. Il écrit dès 1941, "L'Angleterre en guerre", un livre violemment anti-britannique; en 1942, il fait partie du groupe d'écrivains invités en Allemagne, voyage qu'il relate dans un article " Les invités de Goethe", il publie cette même année "L'épopée silencieuse" et finit par quitter le journal en 1943, à la suite d'un "différend" entre les responsables. |
Georges Blond , après avoir été mis au ban à la Libération par "Le Conseil National des Ecrivains" se consacre dès lors à une longue carrière d'écrivain, s'intéressant à des thèmes et des genres très divers, pour beaucoup inspirés de son expérience de marin et de soldat et se rachète de ses erreurs passées en écrivant nombre d'ouvrages à la gloire des Alliés. Ainsi, "Le débarquement" en 1951, "L'agonie de l'Allemagne" en 1952, un album " D'Arromanches à Berlin" en 1954. Il va ainsi au cours des quarante années qui suivent publier une cinquantaine d'ouvrages: des récits documentaires sur la marine, la flibuste, la Première Guerre mondiale, dont "Verdun, l'enfer" en 1961 qui lui vaut le Prix Richelieu suivi de "La Marne" en 1962. Deux livres qui « par leur exactitude, leur concision, leur sens de l'épopée, par la rigueur de leur style aussi, sont devenus des classiques », plusieurs fois réédités (dernière en date, Presses de la Cité-2006). Il est aussi l'auteur de biographies sur des personnages aussi divers que "L'Amiral Togo, samouraï de la mer"(1958), "Pétain" (Presses de la Cité- 1966) ou encore l'Amiral Nelson, "La Beauté et la Gloire: Nelson et Emma Hamilton" (1976), "Pauline Bonaparte", etc...La période napoléonienne est un des autres centres d'intérêt de Georges Blond : |
en 1974, il publie "La Grande Armée, 1804-1815", et en 1983, chez Julliard "Les Cent-Jours: Napoléon seul contre tous".Au cours de aventures maritimes, il s'est pris aussi d'affection pour les animaux, il écrit ainsi "La grande Aventure des Baleines" en 1953, qui sera suivi de "La grande aventure des migrateurs" en 1955, puis "La grande aventures des éléphants " en 1961. Il publie aussi des ouvrages sur les océans "Les grandes aventures des océans" en 2 volumes, et "La grande aventure de l'Océan Indien". A sa mort en 1989 à Paris, Georges Blond laisse une oeuvre considérable mais on ne retient de lui que ses ouvrages historiques, plusieurs fois réédités. Or, il est une de ses facettes d'auteur, oubliée en grande partie, celle du romancier, « celui qui écrit des romans ». Pourtant, dès 1948, il s'y essaie avec "Le jour se lève à l'ouest" puis en 1954, un court roman "sentimental-suspense" Mary Marner paru chez Fayard et, inspiré par les romans policiers et autres romans noirs d'un certain Georges Simenon, rencontré à ses débuts chez ce même éditeur, il écrit L'ange de la rivière morte, publié aux Editions Christian Bourgois en 1971 et L'assassin est resté à bord chez Albin Michel en 1976. |