A soixante kilomètres au sud d'Oran et sous le méridien de cette ville, au centre d'une vaste et fertile plaine arrosée par l'Oued-Mekerra, s'élève la ville de Sidi-Bel-Abbès, habitée par une population de plus de 5000 âmes, et entourée d'un territoire de 4700 hectares, où se remarquent plusieurs exploitations rurales qui seraient dignes de fixer l'attention dans les contrées les plus fertiles de la France. L'on demanderait en vain aux enseignements de l'histoire ou aux récits des voyageurs ce qu'a été cette ville ; on chercherait en vain sa situation sur les meilleures cartes géographiques ayant quelques années de date. Né d'hier, Sidi-Bel-Abbès n'a point de passé : son histoire se confond avec celle de nos jours, car c'est au mois de janvier 1845 que pour la première fois son nom a attiré l'attenetion publique, et c'est quatre ans plus tard, au mois de janvier 1849, que sa première maison a été construite.
Comment en si peu de temps une ville a-t-elle pu naître, grandir et atteindre un degré de prospérité capable d'exciter l'envie de villes âgées de presque autant de siècles que notre jeune cité compte d'années ? quelle est la population qui l'habite ? quelles sont ses espérances d'avenir ? Tel est le sujet de cette étude.
La nécessité d'observer et de contenir les riches et nombreuses tribus qui formaient la puissante confédération des Beni-Ahmer, l'une des plus remuantes et des plus habilement travaillées par les partisans de l'émir Abd-El-Kader, détermina l'autorité française à occuper leur territoire.Une colonne, partie d'Oran le 12 Juin 1843, arriva le 17 au milieu de ces tribus, et, le lendemain, les soldats commençaient à construire sur la rive droite de la Mekerra, en face et à peu de distance de la Koubba de Sidi-Bel-Abbès, une redoute qui prit le nom de ce marabout.
(Les arabes ont l'habitude de construire sur le lieu de sépulture de leurs marabouts ; hommes vénérés pour la sainteté de leur vie et leur religieuse observation des règles du Koran ; ou en leur honneur, des monuments appelés Koubba, composés d'unepetite salle carrée, sans ouverture que la porte d'entrée, et surmontée d'une coupole. Ces koubbas ont été appelés marabouts par nos soldats, qui ont ainsi désigné le monument par le titre du personnage dont il recouvre les restes, ou en
l'honneur duquel il a été élevé. A la Koubba ou marabout de Sidi-Bel-Abbès, le dome est remplacé par une toiture de tuiles vernissées en forme de pyramide à quatre faces. Cette disposition se remarque dans quelques marabouts de l'intérieur de la province d'Oran)