Sidi-Bel-Abbès en 1859 par Jules Duval page 2/2
Quatres portes, orientées sur les quatre points cardinaux de l'horizon, ouvrent sur les routes, malheureusement encore bien imparfaites, sauf la première d'Oran, de Daïa, de Tlemcen et de Mascara. De larges rues, bordées d'arbres, constamment arrosées par l'eau des fontaines qui décorent les places, coupées à angles droits, rappellent le système des villes neuves de France. De loin, Sidi-bel-Abbès semble perdu dans une forêt de verdure ; ce sont les plantations qui ombragent les rues, les boulevards, les routes ; le lit de la rivière, les jardins et les villas des habitants : tout respire le travail, l'aisance, la foi dans un avenir de richesse. Au pied des murs de la ville, au sud l'ancienne ferme militaire de la légion étrangère est devenue, sous la direction du capitaine Doze, une précieuse pépinière et un parc qui serait admiré en France même. - Le sol, très fertile, n'est pas aussi embarrassé qu'ailleurs de palmiers nains ; dans les terrains encore incultes, l'on aperçoit à peine quelques broussailles, faciles à extirper. Aussi l'agriculture, parfaitement secondée par un sous-sol qui, à quelques mètres de profondeur, donne partout de l'eau en abondance et de très-bonne qualité, a-t-elle fait des progrès surprenants en peu d'années. Les habitants, qui chassaient, il y a quatre à cinq ans à peine, la bécassine dans le maquis sur lequel s'est élevé Sidi-bel-Abbès, et l'hyène, le chacal, la gazelle,
le sanglier, le lion même dans les fourrés des alentours, ont de la peine à reconnaître la situation primitive des lieux. Le commerce de détail, dont l'action éminemment colonisatrice est trop souvent méconnue, peut revendiquer une bonne partie de ces rapides progrés ; il en a recueilli les bénéfices en s'y associant. L'industrie a déjà fondé un moulin (Jaclot et Vivès), qui est là, comme partout, une des pierres de l'édifice colonisateur. Par le concours de toutes ces forces, l'atmosphère elle-même a été transformée comme le sol ; la situation sanitaire, au début assez mauvaise, s'est rapidement améliorée, et rivalise aujourd'hui avec les meilleures de la province. Sous l'Empire de toutes ces heureuses conditions, Sidi-bel-Abbès est appelé, mieux encore que Blida dans le centre, à devenir la capitale militaire et civile de l'Ouest : les plans de la cité ont été conçus en vue de cette haute destinée, officiellement annoncée dès 1847 ; aussi est-ce vers ce point qu'affluent aujourd'hui de préférence les capitaux et les bras, et l'Etat l'a-t-il doté d'une banlieue de 16000 hectares. La province tout entière gagnerait à voir son centre de gravité, de domination et de colonisation, fixé d'abord sur le littoral par les nécessités de la guerre, reporté plus avant dans l'intérieur, ce qui permet la sécurité complète et désormais assurée du Tell tout entier. La pacification elle-même en serait consolidée.
Index Histoire / Accueil / index thématique / page précédente