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Les vignes et les blés qui tapissent la plaine
Font à la ville aimée parure souveraine.
Broderie, vue des cieux, au cœur de l’Oranie,
Bel-Abbès voit, à l’Est, le Tell d’ocre verni
Et regarde, au couchant, le djebel Tessalah.
Cité bénie des Dieux, en paix avec Allah,
Puisque son nom lui vient d’un fameux marabout
Dont la grande sagesse et la foi jusqu’au bout
Ont tissé la légende et répandu l’histoire :
Ville éponyme, elle tient de lui un fond de gloire.
Dans la cosmogonie de tout bel-abbésien,
Cette gloire jaillit telle un puits artésien ,
Juste compensation des marais d’origine
Qui firent plus de morts que la grippe porcine.
Sous le bleu de ce ciel, aux si beaux cumulus,
Les gens trouvèrent là de l’espoir tant et plus :
Une ville en étoile sertie de ses planètes,
Palissy, Ténira, Détrie, Les Trembles en tête,
Baudens, Mercier-Lacombe, Oued Imbert et Bonnier,
Pépites en couronne où brille Parmentier.
Telle une caravane, au long fil sinueux,
Un oued fend la cité, d’une ville en fait deux.
Simple ru ou torrent, cet oued Mekerra,
N’est pas un lit de roses, tant il inondera.
Venu des monts Daïa, afflué du Sarno,
C’est moins qu’une rivière et bien plus qu’un rio ;
Un peu surestimé par l’aura qu’on lui prête,
Il n’a qu’un bref parcours que tôt le Sig arrête.
Ami des maraîcher, béni comme Jourdain,
Il a pour paradis la Vallée des Jardins.
Posons la montgolfière au terrain d’aviation,
Et allons visiter cette conurbation.
Porte de Mascara : Eugène-Etienne s’offre
Qu’irriguent trois grand’rues, Fallières, Quinet et Joffre.
Arrivée patte d’oie, très haut point stratégique
Bordé par Laperrine et son stade athlétique.
Les glacis Sud à gauche, où gîtent gens de droite,
Dans de belles villas où le luxe miroite ;
Le sous-préfet voisine, là, avec l’Olympia,
Et Collège Moderne avec commissariat.
Dans une des cliniques Raynald ou Girardin
Sont nés les autochtones, ruraux ou citadins. .
La route du Télagh et celle des Amarnas
Où la Calle del Sol de déborder menace,
Divisent ce versant, jalonnent ce quartier,
Du pôle Jeanne d’Arc à l’école Négrier.
Un haut lieu de l’endroit, le stade Paul André,
Où du SCBA la gloire s’est engendrée.
Laissons au Sud-Sud-Ouest, dans son riche décor,
Le civil hôpital que l’art déco honore.
Place du CEF#, ex-porte de Tlemcen,
Prend le jardin public, notre bois de Vincennes ;
Animaux qu’on y voit : lots de chardonnerets,
Théories d’hirondelles, kyrielles de martinets ;
Le ciel entier vibrait de leurs cris, de leurs ailes.
A l’ombre des platanes et du Coromandel
S’élance l’avenue Théodore-Héritier,
Voie d’accès triomphale au fameux faubourg Thiers.
De l’école de Sonis ( du nom du général )
Jusqu’à la Mékerra, une vraie martingale
Du bonheur colonial régnait en cette zone,
Riche en jolis garçons et belles amazones.
Traversons le vieux pont du « village » Perrin
Dédié au Sacré-Cœur et dont le grand terrain
Servait aux processions et aux fêtes catho.
Poussons au Mâconnais, dit le « bario alto » :
Dame-de-Toutes-Grâces et stade Charloton
Bordent la rue Ferruch, de l’aval à l’amont.
Par le champ de manœuvres, arrivée à la gare
Joyau de l’art déco d’une pureté rare.
Ouvrant le cours Kléber, les écoles Marceau
Donnent au carrefour la grandeur de leur sceau.
Devant elles s’enfuit la grand’route d’Oran
Jusqu’à la maison basse qui vit Marcel Cerdan.
En maréchal-ferrant, tablier de sapeur,
Martelant la ferraille portée à la rougeur,
Edelein y faisait résonner son enclume
Qui tinte encore là-bas en agonie posthume..
Par l’avenue Loubet, franchie comme un détroit,
On entre intra muros où ne sont qu’angles droits.
L’église et la mairie, le théâtre et la place
Rythment la République en double face à face.
Sur l’avenue Rollet, de façon symétrique,
Le café Rebibo, élu des excentriques,
Donnait en vis-à-vis du cercle de l’armée ;
Quant au quartier Viénot, lieu de la Voie Sacrée,
De l’Amilakvari formait juste pendant,
Si bien qu’entre eux n’était qu’un flux de képis blancs.
Dès le « petit Vichy# », au foyer légionnaire,
Se croisent en damier tant de rues légendaires :
Bir-hakeim, Chabrière, « Lorbiron# »,Catinat,
Rousseau, Prudhon, Verdun, Lyautey, Gambetta…
S’y rangent au carré, écoles et tribunal,
Lycées de jeunes filles, police nationale,
Magasins, ateliers, hôpital militaire,
Edifices communaux, garages et dispensaire,
Résidences en étage et terrasses en toits.
Des noms résonnent encore, tant ouïs autrefois :
Alcaraz ou Lafforgue, Delorme ou Gonzales…
Sait-on, après partir, les longs échos qu’on laisse ?
Retour au glacis Nord, près le marché couvert,
Où la gendarmerie tient ses quartiers austères.
On est village nègre, au vieux faubourg « Bugeaud » ;
La mosquée se tient là, dominant rue Marceau ;
Aussi le cimetière, où sont tous nos aïeux :
Coin sacré de la ville, enlarmé des adieux
A ceux qui ont vécu, ont fini d’être vieux,
Et sont partis là haut la regarder des cieux.
DIdier R. Martin : SIDI BEL ABBES
Souvenirs de Sidi-bel-Abbes
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2 variantes : en haut le fond est tiré d'une plaquette des chemins de fer PLM d'Algérie, en bas la photo représente Jaïme Carrasco, cocher à Bel-Abbès, une calèche, quoi de plus normal pour une balade bélabésienne !