Visiblement il se réjouissait, le prof, de prononcer mon patronyme. Il se passait la langue sur les lèvres, d’abord. Puis il ouvrait la bouche, largement, sur la première syllabe, en marquant bien la double lettre. Et il glissait suavement le reste, comme un son de flûte, en allongeant les babines. J’étouffais de silencieuse colère, tandis que le préposé au manuel reprenait sa lecture. Et puis, je recommençais à mâcher une boulette. Je garde encore à la bouche le goût fade de ce papier et l’écœurement de la salive gâtée qu’il fallait avaler…
*Fernand Kessis, professeur de philosophie au lycée laperrine et 1er adjoint au maire de Sidi-bel-Abbès de 1948 à 1954
Nous étions experts dans l’art de mâcher les grosses boulettes de papier qu’on lance au plafond et qui y demeurent collées de longs mois avec un polichinelle pendu au-dessous.Quand le ploc d’une de ces boulettes claquait au-dessus de nos têtes, le prof levait un œil brumeux et regardait le nouveau bonhomme de papier qui se balançait parmi les autres, le bonhomme tout neuf qui vient au monde et conserve un moment l’impulsion joyeuse de la naissance. Puis l’œil du maître redescendait sur nous et principalement sur moi. Je récoltais deux heures de retenue.