Souvenirs deSidi Bel Abbès
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« Comment les plans de ce « Puissant  poste à galène à fabriquer soi-même. » m’étaient-ils parvenus ?  Avec la manie de lire tout ce qui me passait dans les mains, j’étais tombé sur des feuilles de magazine qui avaient enveloppé un kilo de sardines. Quoique sentant la marée, défroissées et séchées, ces feuilles m’avaient livré la formule magique. «  Du contre-plaqué pour la boite, un fer à souder, des condensateurs par-ci, des résistances par-là,  une aiguille excitatrice (sic)  pour le bloc de galène, quinze mètres de fil de cuivre pour l’antenne extérieure et…deux écouteurs ! » Du temps fut nécessaire pour réunir l’ensemble des « ingrédients » et je  pus enfin  me livrer à l’assemblage des différents éléments par fer à souder interposé.

 Ecouteurs sur les oreilles, il ne me restait plus qu’à mettre en contact l’aiguille excitatrice, oh combien, avec la galène miraculeuse. « Mesdames et Messieurs, nous vous proposons maintenant un récital de piano retransmis de la salle… » Je poussai un cri de victoire !

Le doute n’était pas permis ;  la froide ébonite reprenait vie et diffusait, clairement, distinctement,  discours et musique. Je pris immédiatement la grand-mère à témoin et je la revois encore rouler des yeux ébahis sous le casque improvisé : « Ce gosse, quand même, qué demonio ! » Je n’étais pas loin de passer à ses yeux pour un sorcier !  Ma mère appelée en toute hâte n’en fut pas moins stupéfaite, s’inquiétant cependant de la consommation électrique de l’artéfact. « Mais rien, maman, çà ne consomme rien, c’est l’air, c’est par l’air que ça se transmet ! » Dubitative et rassurée à la fois, elle lança : « C’est ton père qui va être content ce soir ! »  Il fut content  en rentrant. Il admis  sa surprise devant mon tour de force. Il garda les écouteurs un quart d’heure puis les enleva pour parler avec ma mère de ses soucis de la journée. Par la suite, il se servit du « poste » à deux ou trois reprises.  Je l’avais fait pour lui et il ne semblait pas lui accorder l’importance qu’il méritait… Secrètement frustré, je décidai de m’en servir moi et dès lors je m’endormis chaque nuit  en musique ! »

Jean-Pierre Covès : Le poste à galène