Lucien Hernandez :
Ma rue La Fontaine
Souvenirs de Sidi-bel-Abbes
Lorsqu’on s’engageait sur la route de Mascara à Sidi-bel-Abbès, les jardins maraîchers de la Légion sur la droite, faisaient le « pendant » du square dédié à Icare dont la superbe statue ornait le centre. Puis, après avoir traversé la rue, un petit immeuble planté-là, dressait sa proue tel un navire qui annonçait au quidam le début de la rue La Fontaine. Cette voie prenait naissance entre l’immeuble-bateau et un beau jardin d’agrément bordé de figuiers de barbarie. Plate sur la moitié de son parcours, elle épousait ensuite la courbe de sa grande sœur, l’avenue Edgar Quinet dont elle était parallèle, pour gravir le Mamelon jusqu’à son sommet au niveau de l’école Eugène Etienne de filles, mitoyenne de l’école de garçons. Sur sa partie plate, trois petits immeubles dominaient les maisons basses la plupart dotées de cours carrelées. Quatre belles petites villas du début du 20°siècle succédaient à une maison de maître ultra-moderne. Au pied de la côte un beau lavoir couvert et à l’eau toujours limpide, permettait aux « mères-Denis » du quartier de faire leur lessive tout en papotant. Ce lavoir permit aux hispanisants de localiser la rue La Fontaine qu’ils eurent tôt fait de transformer en « callé dé La Barsa » (rue du bassin ou du lavoir). Outre cette double appellation, cette rue n’offrait donc rien de bien particulier mais, voilà : c’était MA RUE !!! C’est là que je suis né par une belle soirée de fin d’été, c’est là que j’ai fait mes premiers pas, c’est là que j’ai eu mes premiers amis, c’est là que j'ai échangé mes jeux d’enfants, car la rue La Fontaine était notre lieu de vie, notre « cour de récréation » !
La circulation étant très faible à l’époque, nous avions vite fait de transformer la chaussée en terrain de football. Deux vêtements pliés ou encore deux simples cailloux posés sur le sol marquaient les limites des buts. Et nous voilà partis à disputer des rencontres endiablées. Les parties de toupies nous permettaient de rivaliser d’adresse. Tandis qu’un peu plus loin, les filles jouaient «à la corde » au son de comptines dont les paroles, transmises oralement, étaient plus ou moins approximatives. Et puis, il y avait les jeux mixtes tels que : « tu l’as », « aux quatre coins », « à chat perché », grandes parties de rigolade…lorsque cela ne tournait pas « au vinaigre » !!! Eternelle rivalité filles-garçons !!! Avec une simple caisse à savon et trois roulements à billes nous fabriquions des « carricos » avec lesquels, tels des casse-cous, nous dévalions la pente au grand désespoir de nos mamans…. Je passerais sous silence tous les classiques tels que « chinché la fava », pignols et billes etc…. Nous avions, toutefois, une certaine affinité pour « la paléra ». Pour les non-initiés, je rappellerais qu’il s’agissait de planter un couteau sur une feuille de figuier de barbarie. Le jardin situé en bas de la rue nous fournissait le matériel et chacun de nous rivalisait d’adresse pour planter le couteau après lui avoir fait faire, d’un habile coup de poignet, plusieurs tours en l’air avant d’atteindre son but. Que de souvenirs !!! En parcourant le monde j’ai découvert des merveilles que j’ai emmagasinées au plus profond de ma mémoire. Mais aucune ne prendra, JAMAIS, dans mon cœur la place de MA RUE LA FONTAINE ……….