Estelle NAHON artiste-peintre 1/4
Oeuvres oraniennes de 1928 à 1962*
Le port d'Oran, huile sur toile, 27 x 35cm, vers 1930
Et si tout avait commencé le 18 juin 1832, ce jour où la frégate "La perle" de retour du Maroc mouille dans la rade de Mers-El-Kebir ? A bord, Eugène Delacroix séduit par le paysage lave une aquarelle de la côte oranaise. J'aime à penser que ce regard genial posé sur ces rochers abrupts constitue la symbolique semence, le ferment initial, la première pierre de l'édifice pour ces hommes et ces femmes passionnées qui allaient, au cours du siècle suivant, construire, encourager et développer la vie culturelle oranaise. En juin 1930, M. Bordes gouverneur de l'Algérie inaugurait le Musée des Beaux-Arts d'Oran, ville la plus européenne d'Algérie et ne l'oublions pas, premier port d'Algérie et d'outre-mer. 1200 oeuvres y étaient exposées. Estelle Nahon âgée de 26 ans qui n'est plus une inconnue après son exposition de 1928, fait partie des exposants. Elle a suivi les cours de l'Ecole des Beaux-Arts d'Oran et se perfectionne depuis 2 années à l'Académie des Arts du boulevard Séguin ouverte par son ancien professeur Augustin Ferrando. Lauréat des Beaux Arts de Paris, Ferrando encourage la sensibilité individuelle de chacun de ses élèves,
* oranien, oranienne : habitant du département d'Oran (Oran, Sidi-bel-Abbès etc.), s'oppose à oranais, oranaise habitant de la seule ville d'Oran
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"Ne copiez pas servilement, soyez-vous-même, affirmez votre propre vision !". Nul doute qu'Estelle Nahon pour qui le maître nourrit de grands espoirs est attentive à ce discours. Sans cela, qui pourrait croire que ses peintures solidement construites sont de la main de cette frêle jeune femme ? A l'évidence, Estelle Nahon est à bonne école, stimulée par son professeur et ses condisciples oranais plus âgés. Elle peut murir, développer sa personnalité, aller à l'essentiel. De cette réalité forte et sans ambages, Estelle Nahon tire son style, sa marque de fabrique : un art ou l'ornementation, le superflu, le détail "léché", inopportun, n'ont pas leur place, un art sensible d'expression plus directe, instantané visuel non contrarié, transcription picturale de l'aperçu, une sorte d'affirmation du premier coup d'oeil. Autoportrait, portraits de famille, scènes de vie quotidienne, paysages urbains ou simples natures-mortes sont pour elle autant d'occasions de traduire d'un regard sans a-priori, l'univers d'une jeune oranaise mature, jamais mièvre, plutôt grave, rarement anecdotique et toujours sincère.
Le balcon de Sidi-bel-Abbès, Huile sur carton toilé 54 X 65, années 1950, signée en bas à droite
Atelier à Oran, huile sur carton
Les oeuvres peintes entre 1928 et 1962 témoignent d' Oran et Sidi-bel-Abbès, deux villes d'Algérie, filles naturelles du soleil, implacable quand vient la saison chaude, des cités où les paysages innondés de lumière blanchissent tant, qu'ils en perdent leurs couleurs. Deux villes où les fenêtres ouvertes à l'aube et au crépuscule offrent la couleur à l'artiste
...Et des maisons, sortent des enfants joyeux courant dans le soleil. Ils ont laissé au fond de leurs boutiques, des vieillards laborieux aux visages burinés, dans les arrière-cours des femmes voilées assises, toujours attendent. Ici ou là, quelques palmes généreuses, des pinèdes reposantes, un jardin ombragé et fleuri montrent à l'envi le talent des hommes.. Dans des intérieurs modestes, des objets quotidiens frémiront tout à l'heure au pinceau de l'artiste. Des hommes et des femmes peintes offrant à notre curiosité leur regard pénétrant, nous dévisageront en nous disant : eh vous-là le spectateur ! Sincèrement, que savez-vous de l'Algérie ? L'avez-vous aimée comme Estelle Nahon ?

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